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Une histoire sans fin
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28 octobre 2006

Chez le docteur Cottard

La visite chez Jean-Pierre Balpe n’avait pas duré longtemps, il les avait fait entrer dans le hall luxueux mais peu éclairé de sa maison décoré de toiles sombres et inquiétantes qui la mettaient mal à l’aise, mais il ne les avait pas invités à aller plus loin; il avait débité son chapelet de plaintes: les enfants du docteur Docteur Cottard, —un psychiatre qui ferait bien de s’occuper de sa progéniture— étaient bruyants, sans gêne, ils écoutaient de la musique à deux heures du matin toutes fenêtres ouvertes, réparaient leurs quads et leurs scooters dans le parc en faisant hurler les moteurs, se promenaient nus au vu et au su de tout le monde… etc. Quelques minutes ce récriminations. Il voulait porter plainte. Sans le brusquer, elle le découragea: il n’avait aucune preuve de ce qu’il avançait. La prochaine fois, il faudrait appeler un huissier pour mesurer les décibels ou prendre des photos pour prouver ses dires, mais là il n’avait aucun élément solide. Elle le croyait sur paroles, bien sûr, mais ça ne suffirait pas devant un tribunal, elle promettait d’aller immédiatement rendre visite au docteur et lui parler… Balpe semblait furieux, il la regardait comme s’il voulait la détruire: le bonhomme ne lui plaisait pas, il y avait en lui trop de haine rentrée, quelque chose qui le dominait et qu’elle ressentait comme une agression. Elle prit congé: elle allait immédiatement chez le docteur Cottard. Elle l’appellerait ensuite pour lui dire ses récations. Peut-être d’ailleurs pouvait-il venir avec elle, parler directement est souvent la meilleure façon de désamorcer les conflits. Il refusa. Sèchement. Il n’allait pas s’abaisser à discuter avec ces gens-là, des nouveaux riches, des parvenus. Sa maison était une maison de famille, produit du labeur d’une longue lignée de magistrats, il y avait déjà un Balpe au parlement de Bretagne en 1726. Pas comme ses voisins qui sortaient d’on ne savait où, faisaient fortune en exploitant la détresse humaine… Rien à obtenir de ce côté-là donc. Albertine Mollet salua et sortit. Elle vit que Balpe restait sur son perron à l’observer…

Elle alla sonner à la maison voisine. C’était une grande maison, plutôt moderne, un manoir normand plutôt qu’une chaumière, au milieu d’un parc assez vaste où poussaient de grands chênes: sans doute un terrain pris récemment sur la forêt. Elle sonna, le portail s’ouvrit. Elle entra et vit, depuis la maison, venir une jeune femme noire vêtue d’un élégant tailleur gris: —Léna Matouche, dit cette jeune femme en lui tendant la main, je suis l’assistante du docteur Cottard. Il vous prie de l’excuser mais il est en ce moment avec un client assez perturbé et préfèrerait ne pas être dérangé… —Je ne veux pas spécialement voir le Docteur, dit Albertine… mais peut-être sa femme est là? —Hélas, madame Cottard dirige une entreprise de cosmétique et ne rentre que tard le soir. —il faut pourtant que je vois l’un ou l’autre, sinon je vais être obligée de les convoquer au commissariat… Albertine Mollet n’avait aucune envie de convoquer qui que ce soit, mais elle savait que Balpe l’observait de son perron et ne voulait pas repartir ainsi. —Entrez, dit Léna, suivez-moi… Je vais voir ce que je peux faire. Comme Albertine se dirigeait vers une salle d’attente où attendaient un jeune homme, —Pas ici, dit-elle, venez… elle les fit entrer tous deux dans un grand salon meublé, design italien, clair, un mur entièrement vitré donnant sur le parc privé. Albertine vit qu’il y avait tennis et piscine. Elle se sentait vaguement blessée par tout ce luxe, par l’obligation où elle se trouvait d’être au service de gens qui devaient gagner cent fois plus qu’elle; bien que respectant l’ordre et une nécessaire hiérarchie sociale, elle avait du mal à ne pas ressentir jalousie et amertume devant tant de confort. Léna Matouche revint: —Si vous pouvez patienter quelques minutes, le Docteur va venir vous voir… Que faire d’autre? Albertine n’était pas en situation de refuser —Demandez-lui de ne pas trop tarder, dit-elle dans un sursaut dérisoire d’autorité. —Ne vous inquiétez pas, affirma Léna, c’est un homme très précis… Puis elle ajouta: puis-je vous offrir quelque chose?

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