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Une histoire sans fin
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27 octobre 2006

L'agent Bergotte et l'adolescent

Évelyne Puget avait facilement convaincu l’agent Bergotte de la laisser prendre la direction des opérations: il ne demandait que ça. Ils étaient d’abord allés dans la résidence modeste où elle habitait et, sous prétexte que dans ce quartier il n’était pas prudent de laisser une voiture de police sans protection, Albertine était allée, seule, enquêter chez la personne qui s’était plainte d’un cambriolage. En fait elle n’y était pas allée. Elle était allée chez elle où, le plus tranquillement du monde, elle avait constitué, sur l’ordinateur portable du service, un portrait robot de l’adolescent qu’elle voulait retrouver. —j’ai ce qu’il nous faut annonça-t-elle à Bergotte qui somnolait tranquillement dans la voiture garée au soleil, un portrait robot d’un adolescent… —Encore un de ces sales mômes! grommella Bergotte qui avait une forte propension à croire que tous les adolescents étaient des délinquants en puissance depuis que le sien, au cours de son divorce, avait demandé d’être sous la garde de sa mère. —Regarde (c’est Albertine qui parlait), j’ai un portrait-robot, un voisin aurait aperçu ce gamin qui sortait par la fenêtre à deux heures du matin. —Qu’est-ce qu’il faisait là? —Le voisin? —Non, le gamin? —Ça, faudra lui demander. En tous cas, il faut le retrouver. T’as une idée? Bergotte n’en avait pas. Il n’en avait jamais. Il faisait ce qu’on lui demandait de faire, au plus juste, à l’économie, c’était tout; et ça, pour l’heure, ça convenait bien à la petite Évelyne. —Bon, on va d’abord faire le collège du coin.

A la fin de la journée, Évelyne, flanquée d’un Bergotte qui, de plus en plus indifférent, n’agissait guère que comme un automate, avait rencontré les principaux d’éducation des quatre lycées et des cinq collèges, publics ou privés, de la ville. Sans succès: personne ne connaissait ce bel adolescent. L’affaire se compliquait. Évelyne commençait à se demander si son portrait robot était bien efficace. Pourtant, bien qu’elle ne l’ai vraiment vu que la première fois, elle était persuadée que l’image qu’elle montrait était ressemblante: profil fin, visage à l’ovale parfait, bouche petite mais sensuelle, yeux allongés, regard comme filtré par de longs cils, coiffure à la page avec une frange tombant presque sur les sourcils et une coupe mi-longue dans le cou, cheveux noirs de jais… Elle ne pouvait pas se tromper à ce point. Il ne pouvait tout de même pas être encore à l’école primaire! Elle hésita, se demanda (car en parler à Bergotte n’aurait produit rien d’autre qu’un «comme tu veux» résigné) si elle allait voir la Directrice de celle du centre, mais non, il n’était pas possible qu’il soit si jeune… Il fallait voir autre chose. Elle entraîna Bergotte dans le seul café fréquenté par les adolescents: rien là encore… puis à la maison de jeunesse, à l’école de musique, au centre interculturel d’Avon… Rien, rien, rien… Son adolescent était inconnu, ne disait rien à personne, n’évoquait pas le moindre souvenir, aucune hésitation, il était introuvable. —Bon, va falloir rentrer, suggéra Bergotte, le temps passe et j’ai bientôt fini mon service! —Il reste encore une heure! —Je préfèrerai être revenu au poste avant, je ne veux pas partir en retard… L’enthousiasme de son coéquipier faisait plaisir à voir. Il est vrai que, lui n’avait pas de raison précise de retrouver ce gamin, que ce n’était qu’une affaire de routine sans importance. D’ailleurs, pour Bergotte, mis à part ses repas et son cognac du soir, tout était sans importance… Ils avaient garé leur véhicule en bordure de forêt, près du cimetière juif et de la gendarmerie, un espace d’un calme parfait propice à la réflexion. —On a bien fait tous les collèges et lycées, demanda Évelyne? — J’en connais pas d’autre… —Bon, alors on rentre, j’aurai encore tout demain pour trouver… —T’as raison… mais demain je suis pas de service, faudra que tu trouves quelqu’un d’autre… —T’en fait pas pour ça, je m’en occupe. —On y va? —On y va!

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