Évelyne, dans le couloir, a tout entendu du récit de Théo Cottard à son
père. Elle comprend qu’il s’est fait manipuler, se dit qu’elle n’a pas besoin
d’en savoir davantage. Elle est aussi soulagée que l’adolescent n’ait pas parlé
d’elle à son père, et ce soulagement lui fait comprendre qu’elle n’est pas
vraiment fière de cette petite aventure qui les a pour un temps lié, qu’elle
porte au fond d’elle-même le sentiment d’avoir abusé de sa persuasion et de ses
expériences d’adulte pour faire découvrir à un jeune adolescent, dont, pour
l’essentiel, la sexualité restait encore du domaine de l’attente, des jeux qui
n’étaient pas vraiment de son âge ou du moins qui n’étaient encore, pour
l’essentiel, que des possibles désincarnés. Que Théo, comme elle le supposait,
ait, semblable sur ce point à la plupart des autres adolescents de son âge,
commencé à imaginer, peut-être même s’excitant sur des revues, des sites
internet ou des vidéos érotiques, ce que pouvait être une relation sexuelle ne
relevait, avant elle que du fantasme, de quelque chose comme une imagerie
virtuelle qui, au mieux, avait dû l’amener à la masturbation solitaire ou —
elle n’osait l’imaginer — dans son groupe de pairs, car elle savait par
expérience que l’imagination de la pénétration des corps, tant qu’elle n’avait
pas été vécue avec l’intensité sensuelle qu’elle suppose, avec l’oubli total,
bien que momentané, de soi dans l’autre, n’était qu’un ersatz d’expérience et
que l’expérience définitive, celle qui pouvait totalement changer la trajectoire
d’une vie, ne pouvait être acquise que par l’aliénation absolue que produisait
sur l’être le long crescendo du désir s’épanouissant dans la conflagration
subite d’un orgasme partagé. S’il ne parlait pas d’elle — et elle était
maintenant rassurée sur ce point, il était temps qu’elle sorte de sa vie, lui
laisse trouver seul son chemin dans le complexe labyrinthe de la sexualité où
il était maintenant engagé.
Évelyne savait ce qui avait amené Théo à agir comme il avait agi. A elle
de trouver une façon de rapporter ses propos à la Commissaire Albertine Mollet
sans se compromettre, sans compromettre son jeune ex-amant. L’enquête désormais
pouvait repartir sur d’autres bases, s’orienter vers la recherche des vrais
responsables des incidents qui avaient amené à la situation présente. Bien sûr,
il y avait la drogue : Théo avait acheté du haschish à un jeune homme qui
avait tué un garde-chasse, mais c’était le seul crime où il était directement
impliqué, n’ayant d’ailleurs joué qu’un rôle passif de témoin et rien ne
permettait de prétendre que, s’il avait eu son accident, ce n’était pas parce
qu’il se précipitait pour prévenir la police. Cette hypothèse en valait bien
une autre.
Évelyne se dit qu’elle allait essayer de rassembler des éléments qui
permettraient d’atténuer au maximum les responsabilités de Théo, mais qu’il
fallait qu’elle le fasse discrètement pour ne pas laisser soupçonner leur
relation. Peut-être pourrait-elle faire discrètement passer des informations,
ou même des indices, ai docteur Jérôme Cottard.
21 février 2011
Théo Cottard sort à son tour de la partie
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