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Une histoire sans fin
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22 octobre 2006

Plaintes de voisinage

Lundi matin. Ciel bleu-bleu, seuls quelques petites bouffées de nuages pour rendre ce bleu plus bleu, plus velouté: ciel de peinture renaissance sans colline toscane. Rien de pire se dit Albertine Mollet. Rien de pire que de devoir reprendre le boulot avec un temps pareil. Surtout que le week-end a été dégueulasse: pluie, pluie, pluie, repas dans la belle famille, otite de Karcher, Kevin insupportable, nuit à vomir, philosophe de mari au bord de la déprime… Si elle aimait un tant soit peu travailler, le travail serait une délivrance. Mais elle déteste. Tous les lundis matin elle déteste d’autant que sur son bureau s’accumule de la paperasse: procès-verbaux d’enquête à signer, rapports à lire, rapports à faire, convocations à des réunions toutes plus ineptes les unes que les autres, main courante à vérifier, etc. etc. Ennui, ennui, ennuis et les habituels problèmes du week-end: la plainte quasi obligatoire de ce monsieur Jean-Pierre Balpe toujours dérangé par le bruit des sauteries qui se déroulent dans la maison près de la sienne et que bien entendu elle ne peut ignorer parce qu’il est un élu de l’opposition municipale, parce qu’il a une petite rubrique dans la République de Seine et Marne, parce qu’il est un ami d’un conseiller général, parce qu’elle l’a rencontré deux ou trois fois chez des connaissances diverses… Il va encore falloir agir, aller voir le voisin, un médecin influent de la région, faire la diplomate, lui suggérer de suggérer à ses enfants de faire moins de bruit tout en reconnaissant qu’ils ont le droit de s’amuser de temps en temps, il faut bien que jeunesse se passe, je vous comprends, mais tout de même, je suis obligée de tenir compte aussi des plaintes de votre voisin, un peu pénible je le reconnais mais ça je ne peux pas l’écrire officiellement et si vous pouviez vous arranger entre vous, ce serait formidable… non vous ne pouvez pas, d’accord, je comprends, mais comprenez-moi, qu’est ce que je peux faire… il va finir par vous faire un procès, il n’arrête pas de porter plainte, mes agents sont obligés de constater le bruit à quatre heures du matin… Je sais ça… il ne travaille pas, il peut dormir à d’autres moments mais la loi… la loi tout de même… Bon voyez ce que vous pouvez faire… Et puis l’incendie criminel de cette nuit qui a détruit une maison de retraite à By-Thomery. pas de victimes, d’accord… c’est moins ennuyeux, mais quand même, il va falloir enquêter d’autant qu’il y a eu un appel anonyme pour prévenir à temps et évacuer les pensionnaires… Il paraît que ça a été de justesse… mais ça a été… Albertine ne peut plus l’ignorer… Pourquoi avoir choisi un tel boulot de merde? Ne sait pas… ne sait plus… ça s’est trouvé comme ça… On frappe à sa porte: «Entrez!» La petite Puget? Qu’est-ce qu’elle veut celle-là encore? Elle n’a pas inventé la poudre mais elle est assez gentille, disciplinée. On peut pas lui confier des tâches difficiles, mais pour ce qui est de la routine, elle fait l’affaire… Bon, de quoi elle parle? «cambriolage». Encore un problème, j’en finirai pas aujourd’hui… moi qui ne rêve que de lire mes polards peinarde… un cambriolage près de chez elle… une voisine… rien de très important, demande si elle peut s’occuper de l’enquête? Ça c’est vraiment nouveau… cette petite niaise veut travailler, peut-être qu’elle s’imagine grandir… Pourquoi pas… de toutes façons, ce cambriolage a l’air bien anodin et elle dit qu’elle connaît tous le voisinage, qu’elle soupçonne une bande de jeunes imbéciles, une relation un peu tendue entre sa voisine te la bande… Une affaire de concierge… Bon, pourquoi pas… pourquoi pas… pour une fois… ça ne peut pas provoquer de grands drames: «Ce que vous me demandez est une faveur, j’espère que vous en avez conscience! Bon, il est vrai que cette affaire semble exceptionnelle et que le fait que vous résidiez là vous met en situation de mieux analyser la situation… Je vais vous faire confiance, mais ne me décevez pas. Vous prendrez Vinteuil comme coéquipier… Il n’est pas libre? Alors, qui est libre? Bergotte! Alors prenez Bergotte…» Pas de danger que ces deux-là mènent l’enquête du siècle… «Vous pouvez disposer…» Allez au boulot maintenant, plus vite j’aurai fini, mieux ça ira. Je signe les papiers les plus urgents et je vais à By-Thomery…

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