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Une histoire sans fin
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23 octobre 2006

La littérature peut tout

Retour à la maison, une nuit de sommeil et de pensées enchevêtrées comme cordes nouées. Trop de réflexions et de bifurcations. Trop de coïncidences et de relations. Il ne pouvait penser à autre chose: trop de coïncidences. Marc échafaudait hypothèses sur hypothèses: la grotte d’Arnette et son cadavre, à droite celui d’une mésange noire, à gauche celui d’une mésange charbonnière. Deux points équidistants de la grotte traçant une droite. Toutes deux dans un papier de soie, la première avec le tétragramme Yi Jing 56, la seconde avec le tétragramme Yi Jing 58. Toutes deux enveloppées enfin dans un mouchoir de batiste et mises en évidence dans l’anfractuosité d’un bloc de gré. Marc Hodges avait déchiffré ce signe. Ce signe était évident. Mais pour un signe déchiffré, combien devaient rester invisibles? Combien pouvait-il y en avoir qu’il n’avait su repérer dans l’enchevêtrement des branches, parce qu’il n’avait pas regardé à la bonne hauteur, parce qu’il cherchait des points blancs et qu’ils étaient faits d’une autre couleur, d’une autre matière? Combien de signes non interprétés dans la multitude de ceux de la nature. Par exemple, deux mésanges… une noire, l’autre charbonnière… du noir, enveloppé dans du blanc. Des mésanges, des «mauvais anges». Fallait-il lire cela aussi?… Et quel était le rapport avec le cadavre de la vieille dame? Il savait maintenant qu’elle s’appelait Gallardon, qu’elle avait été exhumée du cimetière de Recloses. Recloses n’était-il pas sur la ligne tracée par les cadavres dans la forêt? Il fallait vérifier…

Mais qui, pourquoi s’était amusé à fabriquer des signes aussi peu évidents, aussi ténus, presque invisibles? Et à destination de qui? S’agissait-il d’un jeu comme ceux auxquels il avait participé un moment? D’autre chose? D’un complot? De messages clandestins comme ceux qu’il avait un temps été amené à créer ou lire? C’était bien compliqué… Ça ressemblait à une histoire de fous… En tous cas, son hypothèse de crime bourgeois était maintenant bien malmenée et s’il voulait écrire un roman social, il lui faudrait trouver autre chose. Quoique… Après tout le social se glissait partout, il suffisait que le maniaque qui accomplissait ces rites mortuaires soit un individu brisé par la mondialisation par exemple, quelqu’un, comme il y en a tant de nos jours qui, du jour au lendemain, a perdu son statut social. Il verrait bien un cadre supérieur jeté par le PDG de son entreprise parce qu’il lui déplaisait. Il lui déplaisait, tout simplement, rien de plus et qui se trouvait désœuvré et dont l’intelligence jusque là toute au service de son entreprise se trouvait soudain inemployée et qui se créait un jeu inutile uniquement pour l’employer et qui se vengeait ainsi de cette société qui voulait l’ignorer… alors il suffirait de nommer Madame Gallardon Madame de Guermantes, elle aurait été déterrée de Nonville et serait une parente, lointaine, mais parente du PDG… Oui, c’était plausible, du moins dans la fiction, il fallait travailler là-dessus… Tout est possible dans la fiction —comme dans le réel d’ailleurs comme le montrent les faits-divers plus incroyables les uns que les autres—, les personnages peuvent glisser d’un nom à l’autre, emprunter des peaux diverses. L’essentiel n’est que de faire tenir tout cela par la colle de l’écriture.

Marc s’était levé à six heures du matin, son bureau était, comme toujours, encombré d’une couche de cinquante centimètres de relevés bancaires et de lettres de banque non décachetées qu’il ne regardait jamais. Sa façon d’afficher le non-conformisme économique qu’il professait. Le dépôt décanté de son gauchisme… Ça aussi c’était un signe. Tout est signe, suffit de savoir les lire. Il hésitait entre commencer à écrire l’histoire qui prenait déjà forme dans sa tête et retourner à la grotte d’Arnette voir s’il trouvait autre chose: enquête ou invention? Il ne savait plus très bien quel rôle adopter…

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