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Une histoire sans fin
Une histoire sans fin
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8 juin 2010

Où l’on essaie de se débarrasser de quelques personnages accessoires

Personne n’étant immortel, pas plus les personnages de cette histoire que leur auteur — s’il en est vraiment un…—, il est temps, pour le respect des conventions littéraires et le confort des hypothétiques lecteurs, mortels eux aussi et qui ont bien d’autres choses à faire que lire (ou pire étudier) les élucubrations labyrinthiques d’un vieux cerveau malade, d’alléger sa trame en se débarrassant de quelques uns des personnages apparus ici ou là au fil du récit. Position juste. Mais moins facile à réaliser que ce que (sonorité étrange, reprenons…), moins facile à réaliser qu’il pourrait y paraître. Car…

Jérôme Cottard écoute son fils. Il ne l’interrompt pas. Il sait qu’il ne doit pas l’interrompre que, maintenant que celui-ci a commence à parler, il faut le laisser aller le plus loin possible dans la difficulté de ce qu’il a à dire. Or il a beaucoup à dire. Il le dit dans le désordre. Il est tout juste sorti du coma. Son cerveau est encore brumeux. Parfois il ferme les yeux, s’interrompt et sur son visage angélique se grave quelque chose comme des grimaces, comme s’il faisait un effort considérable à extraire du bout profond de ses milliards de synapses enchevêtrés quelques lambeaux de mots ou d’images, quelques impressions vagues, floues, approximatives qu’il doit maintenant absolument éclairer. Le père écoute, s’interdit d’intervenir. S’interdit surtout d’adopter une position de père, une position morale ou pire, moralisatrice et ce n’est pas facile. Il souffre lui aussi, ne peut s’empêcher de se demander où, quand, comment il n’a pas respecté son contrat de père, par quelles négligences il n’a pas senti, deviné ce vers quoi son fils se dirigeait, pourquoi il n’a pas su parler suffisamment avec sa femme pour relever, ensemble, des signes avant coureurs, tênus, forcément tênus, de dérive. Se dit qu’il n’a jamais parlé suffisamment avec ses enfants, qu’il ne sait rien d’eaux, ni d’Arthur, ni de Théo… ni de sa femme d’ailleurs — et son métier le pousse à ajouter « que sait-il d’ailleurs de lui-même ? ». Mais ce n’est pas le moment de faire de l’auto-analyse. Pour l’instant il doit écouter, se concentrer sur l’écoute, s’efforcer de s y impliquer le moins possible. Il pense Sigmund Freud et Anna Freud et Anna Freud et Ernest Freud… D’autres mots lui viennent en mémoire : ego-psychologie, fonctions aconflictuelles du Moi, autonomie du Moi, hétéronomie du Moi… Il pense trop n’écoute pas assez. Il est partagé entre la nécessité de son écoute flottante d’analyste qui ne veut ni juger ni mémoriser tous les événements et sa position de père qui veut comprendre. par moments, il lui arrive de ne pas entendre, a l’impression que son surmoi lui interdit d’entendre. Pourtant il veut entendre. Il veut écouter mais se demande parfois s’il ne s’écoute pas écouter. Pourtant. Il veut savoir. Et Théo parle. Longuement.

C’est alors que Jérôme Cottard remarque que l’entrebâillement de la porte de la chambre s’est un peu élargi et que la petite policière boulotte qui fait le planton s’est rapprochée de façon à entendre ce que déclare son fils.

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