Description des cadavres
Pour décrire les deux cadavres, Marc Hodges s’inspire des romans de P.D.James:
«Examinant
le corps sous les yeux attentifs de Lorrimer et Doyle, il s’étonnait,
comme bien souvent en pareil cas, que la scène eût l’ait à ce point
irréelle, anormale, si singulièrement et ridiculement déplacée qu’il
dut retenir un rire nerveux. Cette impression il ne la ressentait pas
aussi fortement quand le cadavre était déjà en décomposition. Pour lui,
c’était alors comme si la chair pourrie, rongée de vers, comme si les
vêtements souillés et en lambeaux retournaient déjà à la terre qui
collait à eux prête à les engloutir et il ne leur trouvait rien de plus
extraordinaire qu’à un tas de compost ou de feuilles en train de se
décomposer. Mais là, avec ces projecteurs qui accusaient les formes et
les couleurs, le corps d’apparence encore si humaine, était à la fois
burlesque et absurde, et la joue pâle semblait aussi artificielle que
le plastique taché contre lequel elle reposait. Il paraissait grotesque
qu’on ne pût rien pour elle. Comme toujours, il dut refréner son envie
de coller sa bouche à la sienne, de plonger une aiguille dans le cœur
encore chaud pour tenter de la ranimer. » (Mort d'un expert, traduction Denise Meunier, ou Lisa Rosenbaum, ou Éric Diacon, ou Saint-Loup)
Il écrit :
Le
projecteur des pompiers éclaire violemment la scène. Albertine Schwilk
s’approche, regarde les corps, les imagine encore chauds tant, leur
mort étant relativement récente, ils ont l’air vivant. La lumière
blanche, vive, les recouvre comme de plastique, les peaux sont
luisantes d’eau, les visages conservent encore un peu des couleurs de
la vie mais comme cirées par la mort. La scène lui paraît presque
irréelle, aussi distancée de la réalité que celles que l’on peut être
amené à «vivre» dans un rêve. Elle approche encore, se penche pour
mieux voir. La femme, est belle mais elle ne peut lui attribuer un âge
tant les visages des asiatiques nous paraissent souvent plus jeunes
qu’ils ne sont en réalité. Entre vingt et trente ans, certainement. Ses
vêtements, mouillés, qui lui collent au corps, sont ordinaires: bonnet
rose enfermant les cheveux, jean, doudoune grisâtre, chaussures rouges
à talon plat. L’homme, à côté d’elle, semble avoir le même âge et, tant
son visage à l’air paisible, Albertine s’attend presque à le voir se
remettre à respirer. Des yeux noirs ouverts semblent regarder le ciel.
Jeune. Cheveux courts très noirs. Il est jeune aussi. Peut-être le même
âge que sa compagne. Étendu sur ce sol, sous la dureté de l’éclairage,
il ne semble présenter aucun signe particulier. Si ce n’est qu’il ne
respire pas. Jeans noirs, baskets de marque Nike, blouson matelassé
rouge. Rien que de très ordinaire. Il va falloir attendre l’autopsie
pour en savoir plus.
Albertine se relève, s’éloigne, fait signe aux ambulanciers qu’ils peuvent enlever les corps. Elle retourne chez elle.