Le colonel Morel poursuit son enquête
En digne émule de Sherlock Holmes et de
Patricia Cornwell — dont les ouvrages constituent ses lectures favorites (même
s’il se laisse parfois aller, avec quelques réticences cependant, à lire
Simenon, Michael Connelly, Tran Nhut ou james Ellroy), le colonel Morel s’est juré de
trouver, par lui-même, tous les renseignements qu’il pourrait tirer de la clef
USB rouge vif. Il a ainsi consacré de longues heures de ses nuits célibataires
à comparer et examiner les anatomies dénudées, plus ou moins imbriquées et
focalisées des jeunes gens figurant sur les clichés pour l’essentiel
pornographiques même si certains semblent prétendre à des qualités esthétiques.
Outre le soupçon de localisation de la série des 53 inconnus, il
a pu remarquer qu’un grand nombre de jeunes gens portaient des tatouages que
l’on pouvait grouper en plusieurs séries : tatouages sur les épaules de
natures diverses plusieurs d’entre eux correspondant, d’après les fichiers Interpol,
à des signes d’appartenance à des gangs russes, anglais, américains ;
tatouages dorsaux de gangs chinois ou japonais… Ces deux séries n’apportent pas
grand chose à sa recherche. Un troisième groupe lui paraît plus intéressant car
ne figurant encore dans aucun des fichiers aux quels il peut avoir accès :
des tatouages assez petits, quatre à cinq centimètres, sur la peau du bas
ventre, à gauche du sexe, à la limite de la zone qu’occuperaient les poils
pubiens si, dans la plupart des cas, ils n’étaient pas rasés. Or, pour autant
que la position des jeunes gens lui permettent de le vérifier, ces tatouages marquent
avant tout les 53 inconnus et il n’a pu le remarquer que sur trois des 5294
autres photographies. Il dispose ainsi d’un échantillon de 50 jeunes hommes dont
il est sûr qu’ils portent ce tatouage. Bien que cela ne soit qu’un échantillon
faible, de l’ordre d’un peu moins de un pour cent, le colonel Morel est
persuadé qu’il s’agit de bien plus que d’une simple coïncidence et qu’il se
trouve au moins en présence d’un groupe se revendiquant comme tel.
Pour s’en assurer, il agrandit tous ces tatouages plus ou moins
visibles et constate que chacun d’eux est constitué d’une composition chaque
fois différente de signes chinois du Yi Jing, un trigramme et un hexagramme. Si,
pour la série des 47 clichés concernant les 53 inconnus, le trigramme est toujours
le même, zhèn, le tonnerre, l’hexagramme
qui l’accompagne est différent pour chacun des garçons examinés. Quant aux
trois autres appartenant à la série des garçons déjà fichés par la police, si
le principe de combinaison est le même, l’un porte le signe li (le feu) et les deux autres le signe qian (le ciel).
Pour un fin limier comme le colonel Morel, il est évident que de
telles marques ne peuvent être ni le signe d’une mode — comme par exemple
peuvent l’être les 5 pentagrammes qu’il a noté ailleurs, ni une simple
manifestation du hasard.
Avant de remettre ces conclusions aux équipes chargées de la
répression de la pornographie, il décide de creuser lui-même cette piste. Rien
ne presse. Il se donne une semaine.