Interrogations
Pendant quelques jours il ne se passe
plus rien. Calme plat. retours aux contraventions, à l’assistance aux
huissiers pour les expulsions ou au plombage des cercueils… Au fond,
Albertine Mollet se dit qu’elle préfère peut-être ça. Dur de se
l’avouer mais elle doit quand même reconnaître qu’elle n’est pas faite
pour l’aventure… Au fond je ne suis pas faite pour l’aventure, tous ces
incidents m’emmerdent, me compliquent la vie et je dois admettre que je
n’ai pas avancé d’un pouce… Il n’y a d’ailleurs peut-être aucun lien
entre eux et qui me dit que le petit Cottard n’est pas un de ces
adolescents qui fantasment… ou qui se prennent pour des héros en jouant
avec la police ? Tout ce qui m’intéresse, ce sont les affaires
élucidées. C’est là-dessus que je suis notée, pas sur les déductions
élaborées et intelligentes d’Agatha Christie… Je ne suis pas Agatha
Christie, c’est clair… C’est clair. En rentrant dans la police, je
rêvais de résoudre des mystères complexes et passionnants, maintenant
je sais que les mystères sont un nid d’emmerdements… Bon, je m’en suis
pas trop mal tiré, j’ai réussi à faire croire que tout, ou presque,
était élucidé et me débarrasser sur les gendarmes d’une autre part des
choses. On va décider que le petit Cottard se fout de nous et ça
règlera le problème. Le père ne sera pas d’accord ? M’en fous, faudra
qu’il m’apporte d’autres éléments pour me faire changer d’avis.
Elle
sort de son bureau, aperçoit Évelyne Puget, l’interpelle: «Que
pensez-vous du petit Cottard?» Évelyne Puget rosit, elle se demande
ce que sait la commissaire: Qu’est-ce qu’elle peut bien savoir
celle-là, elle ne peut quand même pas soupçonner que c’est moi qui lui
ai fait rédiger les dernières lettres anonymes, ni que j’ai couché avec
lui? Évelyne rosit encore davantage à cette idée. Elle ne peut
s’empêcher de penser qu’elle y a pris du plaisir, que c’était plutôt
pas mal, que Théo a une peau si douce et un corps si lisse, si
attirant… «Je vous ai posé une question», insiste Albertine. Évelyne
: «Ben… ben… rien, j’en pense rien, je le connais pas vraiment… » «
C’est quand même vous qui avez mené une partie de l’enquête ! » « Ben
oui, m’enfin… je l’ai à peine vu, j’ai surtout rencontré ses parents
alors…» «Je me demande à quoi ça sert d’avoir des assistants», rugit
Albertine en sortant du commissariat. On n’est pas aidé, tout le monde
se fout de tout pourvu que la paie tombe en fin de moins et qu’on
prenne du plaisir avec son conjoint… D’ailleurs, en ce qui me concerne,
c’est de moins en moins brillant. j’en ai un peu marre de Rango, chais
pas ce qui lui arrive.
- Bonjour commissaire, comment allez-vous
? Le patron du troquet d’à côté. On répond comme d’habitude : ça va
bien, merci, et vous… Mais tout le monde s’en fout, les paroles tombent
sur le sol comme de vieux tickets de métro. Rien à foutre du salut du
bistrotier.