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Une histoire sans fin
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18 novembre 2006

Chute brutale dans le réel

…tous les dangers… Évelyne était persuadée que ce qui menaçait sa tranquillité ne pouvait venir que du monde, que de l’extérieur; elle ne soupçonnait pas que les germes de ses inquiétudes pouvaient se trouver à l’intérieur d’elle-même aussi ne recevant plus de messages depuis quelques jours se sentait-elle de plus en plus tranquille. Après tout, aucune des affaires concernées par ces lettres anonymes n’avait causé mort d’homme et les enquêtes à leur sujet avaient été vite arrêtées. Du moins il lui semblait qu’il en était ainsi; elle pouvait sans grande crainte revenir à sa routine quotidienne: procès-verbaux divers, accueil au commissariat, repas à la maison, aide au travail scolaire des enfants… plus de perturbations, sa vie pouvait regagner ses voies de garage. D’autant que, pour l’instant, l’absence de Théo ne lui permettait pas d’aller plus loin. De plus, elle n’avait pas vraiment envie d’aller plus loin. Ça suffisait comme ça… Son mari plombier, ses enfants, constituaient à nouveau son seul horizon… tranquille…

Pendant qu’elle rêvassait devant le mauvais café de la salle commune du commissariat dont, une fois de plus, elle assurait la permanence, Évelyne, à quelques mètres de là dans son bureau minuscule rêvassait également devant un dossier qu’elle n’avait pas vraiment envie de lire: il lui fallait prendre contact avec diverses associations de locataires d’immeubles qui désiraient qu’elle vienne leur parler des mesures qu’elle comptait prendre contre les jeunes des cités qui, avec des bombes de peinture, inscrivaient des sigles illisibles sur toutes les surfaces à peu près planes et monochromes qu’ils trouvaient… Elle pensait à ses prochaines vacances: un port, petit, calme, pas trop cher… pas la côte d’azur… ce n’est pas dans ses prix… le Roussillon peut-être ou le Portugal, mais c’est un peu loin et puis l’océan ce n’est pas la méditerranée. Elle se voit dans une chaise longue au soleil sur une plage: Kevin fait des châteaux de sable avec son philosophe de père; Karcher fait la sieste à l’ombre dans sa poussette… Elle n’a rien d’autre à faire qu’à se bronzer au soleil, chaleur forte du soleil sur la peau comme une odeur de plat épicé, regards perdus —sous ses lunettes noires — dans le trou bleu du ciel. Rien à faire, rien à penser, rien à attendre, rien qui compte. Rien souverain, le rien comme seul objectif. Des enfants, un peu à l’écart, jouent calmement au ballon, quelques bateaux coupent paresseusement l’horizon, une brise légère, assez légère pour la rafraîchir mais pas assez forte pour la fouetter de sable. Uniforme oublié, problèmes sociaux oubliés, plaignants oubliés, préfet oublié, maire oublié: la vraie vie s’étalant sur la surface ocre de la plage dans les odeurs agréablement douceâtres des lotions solaire, dans la sensualité des grains de sa peau nue absorbant avec volupté les avances du soleil… Peut-être même faire l’amour avec Rango, son mari, en imaginant que c’est avec le beau mec en bikini qui parade sur la laisse de mer. Se préparer en esprit à faire l’amour avec Rango lorsque les enfants seront couchés. Presque sentir monter l’orgasme dans cette sensualité toute solaire qui l’enveloppe…

Le téléphone sonne. Chute brutale dans le réel… Évelyne décroche.

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