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Une histoire sans fin
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18 octobre 2006

Le ventre de la forêt

Marc Hodges entre dans la forêt

Marc avança dans le sentier sous les arbres, il vit ce qu’il y a à voir, qu’il avait pris l’habitude de ne plus voir parce qu’il l’avait si souvent vu: des arbres aux troncs sombres, des fougères, des herbes rases, des hêtres, des chênes, un sentier plus ou moins large, du sable, des rochers de différentes tailles… l’air toujours humide… le tout dans une lumière brumeuse atténuant encore les couleurs déjà grises du paysage. Il n’y avait pas un bruit, même pas le chant d’un oiseau quelconque, même pas celui de ses propres pas étouffé par le sol sablonneux. C’était un paysage sans charmes mais sans inquiétudes,  un paysage qui semblait avoir toujours été là et où l’homme ne faisait que passer.

Mu par une sorte d’intuition, il quitta le sentier balisé pour s’enfoncer plus avant dans les massifs de fougères qui arrivaient à hauteur d’homme, il y avait là, sous les hautes tiges, comme des cachettes secrètes, des recoins obscurcis par les feuillages des fougères ou au contraire de minuscules clairières semblables à des nids d’animaux sauvages. Par endroits, les sangliers avaient fouillé la terre faisant, sous la grisaille du sable de gré, apparaître une terre noire et grasse dont l’odeur forte s’imposait à toutes celles —herbes humides, champignons— qui composaient le décor olfactif. Il plongea dans ce fouillis de tiges, de feuilles, de rameaux, de taches de lumière, d’épaississements, d’ouvertures, de déviations, de poussées, d’enroulements, d’entrecroisements, de déviations, d’écartements, de creusements, d’obscurités, d’indéfinitions, de je ne sais quoi, dans cet espace tacheté, strié, lacéré qui avançait, se dérobait, s’épaississait, s’écartait, le pressait, l’ignorait, le retenait, le bousculait, le rejetait et l’enfermait pour le libérer aussitôt, le retenir aux jambes, lui fouetter le visage, le lâcher dans le vide de l’air, dans cet espace d’indistinctions absolue où tout repère se perdait. Il sentait à ses pieds tantôt la faible résistance du sable, tantôt l’engluement de la terre noire parfois mise à nue… Sans bien savoir pourquoi, il avança ainsi plusieurs longues minutes jusqu’à atteindre un épais bloc rocheux. Et là, dans une de ces douces et rondes petites cavités naturelles des blocs de gré, souvent pleines de mousses et d’eau stagnante, il aperçut quelque chose qui semblait avoir été oublié là. Une chose blanche, informe, imprécise, étrange en ce lieu. Il hésita un instant puis s’approcha.

Le bloc devait avoir une hauteur d’environ trois mètres; la cavité se trouvait à deux mètres du sol. Marc dut s’aider des aspérités du rocher pour grimper difficilement jusqu’à sa hauteur, il découvrit alors un paquet soigneusement entouré d’un mouchoir de batiste blanche qui semblait un linceul. Marc le sortit de la cavité, déroula avec soin le mouchoir: il enfermait une feuille de papier de soie qui contenait le cadavre comme momifié d’une mésange noire. Le rituel qui entourait ce petit cadavre était à lui seul surprenant mais sur la feuille de papier de soie était soigneusement tracé un hexagramme. Marc crut y reconnaître l’hexagramme 58 du Yi Jing.

Il sortit son appareil photo numérique de son sac, photographia soigneusement le rocher, sa cavité, son contexte, le mouchoir, le papier de soie et la mésange noire… puis il remit le tout en place, monta sur le rocher pour repérer le sentier et décida de rentrer chez lui.

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